Ce matin là, Olivier et moi avons pris la route en direction de Mornac. A quelques dizaines de kilomètres du lieu de rendez-vous la pluie nous souhaite la bienvenue. Cela nous a quelque peu boosté le moral pour cette réjouissante journée de vélo. Toutefois un sourire un peu crispé était visible sur le faciès d’Olivier. La pluie cessa avant même notre arrivée.
Les derniers réglages réalisés nous retirons notre plaque de cadre, jetons un œil aux données du parcours (102,5 km et 2195 m de D+) et nous dirigeons vers la grille de départ. A ce moment précis notre concentration atteint son paroxysme. L’ambiance tendue est nettement palpable par la foule en délire venue en nombre (ils étaient au moins trois et demi) pour nous soutenir dans ce raid. J’observe notre voisin du moment et vu son âge apparent je me dis : « Alors papi, on fait du vélo le dimanche matin ! » J’observe la moyenne d’âge élevée autour de moi et me pense alors qu’on est vraiment sur une course d’endurance pour amateur averti et non pas sur une compétition de XC pour petits jeunes surexcités.
Le départ est donné. Nous partons dans les dernières positions. Nous supposons qu’à notre allure de sénateur nous allons vite être distancés. Et bien non ! Le sénat c’est donné rendez-vous à Mornac ce matin là ! Mis à part quelques compétiteurs en début de peloton qui ont adopté un autre tempo, tout le monde semble avoir pris la mesure de l’épreuve et être conscient de sa durée.
Une dizaine de minutes plus tard, nous faisons connaissance avec la boue locale et la perte d’adhérence qui va avec. Glissades de la roue arrière notamment et quelques dérobades de la roue avant dans le single track en sous-bois. Tiens une descente, toujours en mono-trace et relativement grasse. Ça bouchonne ! Quelqu’un aurait-il chu ? Et bien oui. Mais ce jour là, aucun pourpre n’est allé au sol ! Nous n’allions tout de même pas salir un aussi beau maillot. Vu les conditions boueuses, la journée promet d’être longue et éprouvante. Ah, voilà une piste du genre DFCI. Pas très glamour ni ludique mais salvatrice. Un peu de repos sur le sec, ça fait du bien. Finalement nous aurons droit à des passages plutôt boueux mais aussi beaucoup d’autres secs, en piste, en single, en chemin agricole et en route pour automobile.
Kilomètre 6, une jolie jeune fille nous dépasse, se retourne vers nous, nous sourit, nous lance un charmant « Salut », et s’éloigne irrémédiablement à un rythme bien supérieur au notre. La séduction naturelle dégagée par Olivier vient-elle de faire une nouvelle victime ? Ou bien cette demoiselle serait-elle la fille d’un vététiste pourpre que nous aurions pris l’habitude de côtoyer le dimanche matin ? Quelle que soit la réponse, nous ne la reverrons pas ce jour là.
Holà ! Mais qu’est-ce qu’elle fait arrêtée, mamie, au milieu du single en descente juste à l’entrée du pif-paf avec marches et rochers. Sort toi de là ! Serre toi donc ! Tu empêches mon pote de donner la pleine mesure de son art, il ne peut exprimer pleinement son talent au guidon de son Santa-Gruic Oldboy. Mais c’était sous-estimer la soif de pilotage d’Olivier. Les passages techniques qui suivirent furent aériens. Dans les pièges et les dangers, je le vis virevolter d’obstacles en rochers. Sous mes yeux se déroulait un tel spectacle que je n’en doutait plus alors. Le pilote pourpre qui était devant moi était bel et bien le Patrick Dupond du VTT !
Pour se remettre de toutes ces émotions, rien ne vaut un bon ravitaillement (NB : très bien les ravitos sur ce raid, n’est-ce pas Olivier ?). Je prends le temps de regarder les machines des autres concurrents, et là je constate qu’il y a des 26 pouces de partout. En tous cas la proportion est plus importante ici qu’ailleurs. Faut que je déménage ici ! La Charente c’est le Paradis du VTT ! (A moins que ce ne soit le cimetière des éléphants)
Il est 11h42. Nous roulons maintenant depuis 3 jours 17 heures et 39 minutes. Les réserves en vivres sont presque épuisées. La température extérieure atteint les -9°C. Au loin nous voyons passer un ours polaire, probablement en quête de quelque nourriture (il a du rater un ravito).
Aux alentours de 13h, nous avons pu profiter d’un petit crachin pendant une demi-heure environ.
Olivier me fait part de ce qui s’avérera être sa plus grande déception sur ce raid et qui fut également une grande surprise pour moi. En effet, nous nous attendions à rouler environ 90 km en solitaire mais nous avons parcouru environ 70 km plus ou moins accompagnés. C’est seulement quelques temps après le troisième ravitaillement que nous nous sommes retrouvés sans escorte. Enfin seuls !
Quand soudain, au détour d’un chemin… Ici ! Là ! Devant ! Mornac ! Les derniers kilomètres ! Nous arrivons bientôt au bout de ce raid, 9h après notre départ. Les douleurs aux ischions et périnée s’effacent comme par magie devant cette satisfaction d’avoir réussi à boucler ces 100 km. Il en reste encore 2. Peut-être 3. Qu’importe. Ce seront les plus savoureux.
Dès l’arrivée, je m’empresse de féliciter Olivier et lui de me remercier de l’avoir accompagné dans cette aventure, car pour nous il s’agissait d’une aventure.
Gérald
J’ai savouré ce conte bien rendu . On y était presque ! 9 heures de régime avec selle ça vous transforme un homme en roc …… Lanzagais. Bonne idée stève !
Avé ! Centurions Santacrus et Vingtsixpus
signé : Epix
😂
Antoine Blondin is not dead!
Gérald, si une future carrière de descendeur VTT peut sembler mal engagée, ta plume annonce en revanche une reconversion pleine de succès au sein de la littérature vététiste.
Bravo!
Voilà une bien belle première, qui plus est superbement mise en valeur par les talents épistolaires de Mister G. Espérons que ça donnera envie à d’autres de devenir « centbornard ».
Que diriez vous de poser une option sur les 100 kms du Roc Lanzagais à la mi septembre ?
Bravo à nos deux compères !!! C’est vraiment génial…. Gérald, bravo pour ton récit.. On s’y croirait !! Bref… Très belle performance !!